« J’ai appris que les soins maternels respectueux sont un droit universel. Chaque femme a le droit d’être traitée avec respect pendant sa grossesse et son accouchement… Je passe maintenant plus de temps avec mes clientes grâce aux SMR. Ces principes m’aident à tisser de meilleurs liens avec elles. »
– Janet, sage-femme à l’hôpital d’enseignement de Juba, Soudan du Sud

Alors que les crises mondiales de la santé maternelle continuent de faire des victimes et que les réductions budgétaires dans l’aide internationale mettent à rude épreuve de nombreux systèmes de santé dans les pays du Sud, une révolution tranquille est en train de se produire. Elle n’est pas menée par des politiciens populistes ou des milliardaires du secteur technologique, mais par des sages-femmes.
Le projet SMART-SMR (Soins de maternité respectueux), mené par l’Association canadienne des sages-femmes (ACSF) et financé par Affaires mondiales Canada, s’est achevé au début de l’année 2025 après trois ans de travail en République démocratique du Congo (RDC) et au Soudan du Sud. Première initiative internationale d’envergure de l’ACSF pilotée entièrement par des sages-femmes, SMART-SMR jette les bases de futurs projets internationaux pour l’Association.
« Au-delà des résultats du projet, ce qui a vraiment rendu cette initiative spéciale, ce sont les personnes et les efforts derrière elle », explique Kariane St-Denis, chargée de projet SMART-SMR de l’ACSF. « Les sages-femmes avec lesquelles nous avons travaillé en RDC et au Soudan du Sud ont fait preuve d’un engagement et d’une résilience incroyables. Malgré des contextes extrêmement difficiles (et souvent décourageants), elles se sont présentées chaque jour avec compassion et avec le profond désir de créer des espaces sûrs et d’améliorer les expériences des mamans et des bébés. »”

SMART-SMR repose sur une idée simple, mais importante : les soins respectueux et de haute qualité pendant la grossesse et l’accouchement ne sont pas un luxe, mais un droit fondamental. En adhérant à ce principe, les sages-femmes s’attaquent aux obstacles systémiques qui privent les femmes de soins culturellement sécuritaires, respectueux de leur dignité et tenant compte des traumatismes – et transforment ainsi les systèmes de l’intérieur.
Les retombées sont mesurables. Au début du projet, seulement 5 % des prestataires en RDC et 11 % au Soudan du Sud pouvaient nommer trois principes fondamentaux des soins de maternité respectueux. À la fin du projet, ce pourcentage était de 96 % en RDC et de 70 % au Soudan du Sud. Par ailleurs, initialement, seulement 8,7 % des femmes en RDC et 55 % au Soudan du Sud déclaraient avoir eu une expérience positive de l’accouchement. À la fin du projet, ces chiffres étaient respectivement de 100 % et de 75,3 %.

Pour réaliser ces progrès, SMART-SMR a dispensé de formations fondées sur des données probantes et a mis en œuvre des plans d’amélioration de la qualité dans 40 établissements de santé dans les deux pays. Ces équipes d’amélioration de la qualité, dont beaucoup étaient dirigées par des sages-femmes, ont entraîné de véritables changements sur le terrain dans la manière de dispenser les soins. « Leur passion pour la profession et pour l’amélioration de la santé maternelle dans leurs pays transparaissait dans tout ce qu’elles ont apporté à ce projet et à leurs communautés. Elles sont déterminées à poursuivre ce travail au-delà du projet, en mettant à profit leurs apprentissages en matière de SMR pour continuer à améliorer la qualité des soins et à faire entendre leur voix au sein des systèmes de santé », poursuit St-Denis

In the DRC:

Les équipes de l’Hôpital général de référence IME de Kimpese et du Centre de santé de référence de Kimbondo ont plaidé pour inclure une séance de sensibilisation des femmes enceintes par les sages-femmes pendant les consultations prénatales.
Des établissements comme le Centre hospitalier La Samaritaine et l’Hôpital général de référence St‑Luc ont amélioré le respect de l’intimité en créant des espaces de consultation séparés et des « coins bébés », et en installant des paravents pliables.
Au Centre de santé Reverend Mbakani, les sages-femmes ont réussi à obtenir des tensiomètres pour mesurer la tension artérielle dans chaque service de l’établissement.
In South Sudan:

Au Centre de soins de santé primaire de Gira, les membres de l’équipe d’amélioration de la qualité ont construit des latrines avec leurs propres ressources, pendant leur temps personnel, afin d’améliorer l’hygiène.
L’Hôpital du comté de Mvolo a obtenu les matériaux nécessaires pour construire une clôture afin de réduire les vols d’équipement médical.
Grâce aux pressions exercées par les sages-femmes, l’Hôpital d’état de Bentiu a commencé à organiser un nettoyage hebdomadaire de la maternité.

Bien que ces changements puissent sembler modestes, ils témoignent de transformations profondes, portées par les prestataires et visant à la fois les infrastructures et la dignité dans les soins. Avec le soutien des mentors en SMR, beaucoup de ces améliorations sont désormais intégrées à des stratégies à long terme visant à maintenir et à renforcer la qualité des soins.
Le projet est également allé à la rencontre de la population. Au Soudan du Sud, des sages-femmes ont lancé une série d’émissions de radio « Ask the Midwife » qui a été écoutée par plus de 16 400 personnes par mois. Pour instaurer la confiance, les émissions ont amené les hommes, les garçons et les leaders communautaires à discuter ouvertement de planification familiale et de santé maternelle. En RDC, des cliniques mobiles se sont associées à la troupe de théâtre de l’association pour créer des milieux accueillants et attrayants. Grâce à cette approche, plus de 2 000 femmes, dont beaucoup issues de communautés marginalisées, ont pu obtenir des services de santé reproductive et apprendre à connaître leurs droits.
En parallèle, des avancées politiques ont également eu lieu. En RDC, l’organisme partenaire du projet, la SCOSAF, a piloté la rédaction d’une loi nationale visant à créer un Ordre des sages-femmes, une étape essentielle vers la reconnaissance et la réglementation de la profession.

« Cette fois-ci, j’ai remarqué une très grande différence depuis la réception. La sage-femme qui m’a reçue l’a fait avec beaucoup de gentillesse; durant mes douleurs, elle était toujours à mes côtés en m’encourageant. »
– Mme Joséphine, cliente de La Samaritaine FOSA
Mme Joséphine, client at La Samaritaine FOSA, DRC
Ce qui est le plus remarquable, ce n’est pas seulement ce qui a été accompli, mais aussi la manière dont cela a été fait. Bien que travaillant dans des contextes marqués par l’instabilité politique, des infrastructures limitées et un taux de mortalité maternelle élevé, les sages-femmes sont demeurées engagées, pleines de ressources et résilientes. Lorsqu’elle évoque la collaboration entre les sages-femmes du Sud et celles du Canada, St-Denis ajoute avec enthousiasme : « En plus de cela, nos bénévoles sages-femmes de l’ACSF ont été formidables. Leur humilité et leur enthousiasme à collaborer avec d’autres sages-femmes ne connaissaient aucune frontière, géographique ou autre… Je suis moi-même très touchée d’avoir eu l’occasion de travailler en étroite collaboration avec tous ces acteurs du changement et d’avoir pu constater à quel point un investissement dans un changement fondé sur les droits et mené par les sages-femmes peut être puissant et durable », conclut-ells.

Alors que le Canada et d’autres pays repensent leur rôle au niveau de la santé mondiale, le projet SMART-SMR représente un modèle inspirant pouvant générer des retombées durables. Il démontre que l’investissement dans les sages-femmes permet d’améliorer non seulement la santé maternelle, mais aussi le bien-être des communautés et les droits de la personne. Fondé sur la collaboration, l’humilité culturelle et l’expérience des personnes concernées, ce projet est bien plus qu’une simple réussite. C’est une leçon de leadership que les bailleurs de fonds ont tout intérêt à retenir.
