Nadine Morin, une sage-femme autochtone travaillant dans un centre urbain, a mis au point un modèle communautaire de soins de santé sexuelle et reproductive inspiré par des décennies au service de la communauté autochtone. Après plus de 20 ans passés à exercer dans des collectivités urbaines, rurales et éloignées, elle travaille maintenant dans un milieu qui lui permet d’intégrer des soins collaboratifs et adaptés à la culture dans les services destinés aux jeunes de 12 à 24 ans.
À son arrivée à la clinique jeunesse, Nadine a toutefois remarqué que les jeunes autochtones avec qui elle comptait travailler n’étaient pas au rendez-vous. « Il y a quatre réserves à proximité », explique-t-elle. « Nous avons donc commencé à offrir des soins dans les centres de bien-être des réserves et au centre de santé autochtone en ville pour aller à la rencontre des gens. » Nadine et sa collègue Erin se sont également rendues fréquemment dans un campement du centre-ville pour discuter avec des jeunes sans-abri. Cette approche leur a permis de rencontrer la clientèle dans des lieux sécurisants, d’instaurer un climat de confiance et d’éliminer les obstacles majeurs aux soins.
La présence dans la communauté d’un·e prestataire de soins qui comprend bien les obstacles rencontrés par ces populations et leur manque de confiance envers le système de santé, en particulier chez les Autochtones, aidera les personnes à jouer un rôle actif dans leur santé et à obtenir les soins médicaux dont elles ont besoin.
Nadine Morin
Nadine assiste les personnes autochtones enceintes qui ont été évacuées de leur milieu pour recevoir des soins spécialisés en centre urbain. La ville est un carrefour qui accueille une grande clientèle nécessitant des services obstétriques spécialisés, y compris des prises en charge par l’équipe de médecine materno-fœtale. Nadine et son équipe sont intégrées à ces soins, surtout lorsque les personnes sont admises à l’unité prénatale ou qu’elles séjournent dans des logements temporaires. « Nous visitons les gens chaque jour à l’hôpital et nous devons beaucoup vulgariser et expliquer la situation. » Son rôle comporte aussi un volet pratique : par exemple, elles aident les personnes à se rendre dans une banque alimentaire et s’assurent que la chambre d’hôtel comporte une cuisinette afin de réduire les coûts du séjour. Les personnes évacuées se sentent souvent isolées et ont peu de ressources. Nadine défend leurs intérêts, leur apporte un soutien émotionnel et leur propose un plan pour réintégrer leur communauté.
Nadine souligne également une lacune importante au niveau des soins postnataux à la sortie de l’hôpital. « Souvent, les soins du bébé sont bien coordonnés par le système, mais nous constatons que la mère est oubliée et ne reçoit pas de soins postnataux. » Pour répondre au besoin, Nadine crée un plan de suivi pour les problèmes de santé chroniques, l’allaitement et la guérison. Son équipe a également lancé une trousse-bébé adaptée à la culture à partir de lits en carton fournis par la santé publique.
Diplômée en soins infirmiers médicolégaux, Nadine a commencé à proposer ces soins à la clinique jeunesse après avoir constaté un manque criant pour les jeunes ayant vécu une agression sexuelle. « Nous n’avions pas prévu de suivre cette formation. Nous opérions simplement une clinique sans rendez-vous le mardi pour le dépistage des ITS. Mais au fil du temps, des personnes ont commencé à s’ouvrir à nous et à révéler avoir subi des agressions sexuelles. Après qu’une troisième personne se soit confiée et ait refusé d’être orientée ailleurs, nous avons compris que nous avions la responsabilité de nous outiller pour offrir les meilleurs soins possibles, dans le respect des traumatismes, aux personnes qui avaient suffisamment confiance en nous pour se confier. »
Nadine et Erin ont donc suivi une formation en soins infirmiers médicolégaux avec deux autres membres de leur équipe de soins, devenant ainsi le premier site extrahospitalier de la région à offrir ce service. Une grande partie de leur clientèle a vécu des traumatismes en milieu médical ou ne se sent pas en sécurité dans un hôpital, si bien que les soins conventionnels deviennent inaccessibles. Elles ont donc mis en place de nouveaux protocoles pour garantir des soins complets et respectueux, selon les conditions des personnes. Elles ont notamment élaboré 15 directives médicales qui permettent à leur équipe d’administrer les médicaments et traitements requis dans le cadre de leur modèle de soins collaboratifs.
« Avec les populations marginalisées aujourd’hui et depuis longtemps, il faut envisager des modèles de soins différents, mais nous manquons cruellement de connaissances sur leurs vulnérabilités et sur la manière de mieux les aider », souligne Nadine. « La présence dans la communauté d’un·e prestataire de soins qui comprend bien les obstacles rencontrés par ces populations et leur manque de confiance envers le système de santé, en particulier chez les Autochtones, aidera les personnes à jouer un rôle actif dans leur santé et à obtenir les soins médicaux dont elles ont besoin. »
Certains noms et détails qui permettent d’identifier les personnes ont été changés pour protéger leur vie privée.